En un clin d’oeil

L’attachement du nourrisson à son donneur de soins est un besoin fondamental.
Le lien qui se tisse entre eux peut être sécurisant ou ne pas l’être.
Un attachement insécure et des carences de soins prédisposent les enfants aux troubles de l’attachement.
Les symptômes des troubles peuvent persister quand l’enfant grandit.
Le diagnostic et la prise en charge des troubles de l’attachement sont longs et complexes.

La théorie de l’attachement définit différents types de liens entre l’enfant et sa ou ses figures d’attachement (généralement la mère). La nature de ces liens peut avoir des conséquences durables sur la vie et le développement de l’enfant, ses relations futures, sa confiance en lui ou la gestion de ses émotions.

Théorie et types d’attachement

L’attachement est un besoin fondamental et inné. Il désigne les comportements par lesquels l’enfant tente d’établir et de maintenir la proximité avec une personne spécifique, un « donneur (ou pourvoyeur) de soins », pour assouvir son besoin de sécurité. L’attachement sert ainsi des fonctions d’adaptation, de protection et d’exploration pour le nouveau-né. La mère, ou la figure d’attachement substitutive, est une base de sécurité et une source de réconfort au cours de son développement comportemental et cognitif. A mesure qu’il grandit, l’enfant peut s’attacher à plusieurs figures d’attachement1.

Les théoriciens de l’attachement ont développé des modèles de comportement de l’enfant et de son donneur de soins, classés en quatre types1,2 :

l’attachement sécure : le donneur de soins est disponible et répond de façon appropriée, rapide et cohérente aux besoins de l’enfant, qui se sent sécurisé et peut explorer son environnement en confiance ;
l’attachement évitant : le donneur de soins ne donne que peu ou pas de réponse aux signes de détresse de l’enfant, décourage ses pleurs et encourage son indépendance. L’enfant évite le contact avec la figure d’attachement et ne compte pas sur elle pour le rassurer ;
l’attachement ambivalent-résistant : les réponses apportées par le donneur de soins à l’enfant sont incohérentes, tantôt appropriées, tantôt négligentes. L’enfant recherche le contact avec la figure d’attachement mais le rejette une fois que celui-ci survient ;
l’attachement désorganisé-désorienté : le donneur de soins se tient en retrait, adopte des comportements effrayants, empreints de négativité (détresse), intrusifs ou maltraitants et commet des erreurs de communication affective. L’enfant échoue à développer des stratégies d’attachement cohérentes, adopte des comportements contradictoires et désorientés (regards vides, gestes étranges).

Les trois derniers types de liens sont regroupés sous l’appellation d’attachement « insécure ». Ces classifications ne représentent pas un diagnostic pathologique, mais sont plutôt considérées comme des facteurs de risque de développer des troubles psychiques, et en premier lieu des troubles de l’attachement3.

Deux troubles distincts

Un type d’attachement insécure, et plus généralement une carence de soins, peuvent avoir d’importantes conséquences sur le développement social et émotionnel et donner naissance à des troubles de l’attachement. Des expériences traumatisantes, comme des abus ou des négligences de la part du donneur de soins perturbent l’habileté de l’enfant à former des liens d’attachement sains. La définition des troubles de l’attachement a évolué avec la recherche scientifique pour aboutir à deux sous-types distincts3 :

le trouble réactionnel de l’attachement (TRA) qui se traduit par une tendance aux comportements inhibés, une fermeture émotionnelle envers les donneurs de soins adultes, un manque de recherche de réconfort et de réaction à celui-ci ou et une perturbation sociale et émotionnelle ;
le trouble de l’engagement social désinhibé (TESD) se caractérise par l’absence ou la réduction des réticences à approcher et interagir avec un adulte non familier, des comportements verbaux ou physiques trop familiers avec des étrangers ainsi qu’un manque de réticence à partir avec un étranger.

Chez l’enfant, ces troubles sont associés à un certain nombre de symptômes : difficultés émotionnelles (dépression, anxiété, colères fréquentes, mauvaise estime de soi), faibles capacités relationnelles, hyperactivité, troubles de l’attention, retards cognitifs et de langage…

Le diagnostic d’un trouble de l’attachement est difficile. Il s’appuie sur des observations répétées d’un psychologue et/ou psychiatre spécialisé des interactions de l’enfant avec ses principales figures d’attachement, et avec des « étrangers »4. Le diagnostic ne peut être posé qu’à partir du moment où le nourrisson atteint un âge d’au moins 9 mois3. Par ailleurs, si ces troubles sont rares dans la population générale, les enfants ayant connu des ruptures de liens (placement famille d’accueil ou en institution) seraient plus enclins à les développer5.

Un enfant qui a souffert de liens d’attachement insécure (et à fortiori de troubles de l’attachement) peut continuer de présenter des symptômes psychiques à l’adolescence et à l’âge adulte, en particulier des perturbations dans ses relations sociales (dépendance affectives, relations chaotiques, comportements de rejet…) et des difficultés à réguler ses émotions (anxiété, dépression…).

Soins et prise en charge des troubles de l’attachement

Il n’est pas possible (ni souhaitable) de forcer un enfant souffrant de troubles de l’attachement à créer un lien avec un adulte. L’objectif de l’accompagnement est donc de fournir à l’enfant les soins nécessaires à l’établissement d’un sentiment de sécurité suffisant pour nouer un lien d’attachement. Il faut impérativement garder à l’esprit que ces changements prennent du temps, et qu’une apparente absence d’évolution peut camoufler un délai nécessaire à l’enfant pour « tester » son environnement et s’assurer que celui-ci ne lui fera pas défaut.

Chez les enfants souffrant de troubles de l’attachement (notamment chez les enfants placés), les interventions thérapeutiques consistent pour l’intervenant (parent, famille d’accueil ou accompagnateur) à6 :

offrir à l’enfant un cadre restreint : structurer et sécuriser son espace et son temps, établir des routines et rituels prévisibles, des limites claires et des attentes précises pour l’enfant dans son quotidien, contenir et contrôler ses débordements ;
préserver une distance relationnelle adéquate : se montrer ouvert et disponible mais ne pas nourrir trop d’attentes affectives, se protéger contre l’envahissement (enfant déshinibé) ou, au contraire, ne pas chercher absolument le rapprochement (enfant inhibé), « doser » les réponses, encouragements et compliments pour que l’enfant puisse les absorber sans se fermer ou s’effrayer ;
éviter les enjeux de contrôle : rester neutre et cohérent avec les règles en évitant de sombrer dans des jeux de supériorité. Utiliser une minuterie ou une horloge pour délimiter des activités dans le temps peut par exemple permettre à l’enfant de garder une impression de contrôle et de décision par lui-même ;
servir de « miroir » à l’enfant : l’aider à identifier les émotions associées à ses débordements, adopter une expression empathique qui lui permet de se représenter son propre état interne afin d’acquérir le contrôle de lui-même.

En outre, la mise en place d’une psychothérapie parent-enfant peut améliorer la qualité du lien entre l’enfant et sa figure d’attachement. Elle consiste principalement à accompagner les parents vers une meilleure sensibilité aux signaux de leur nourrisson et/ou à tenter d’agir sur les représentations qu’ils se font de la façon dont leurs propres parents ont pris soin d’eux. Des programmes de prévention fondés sur l’attachement précoce permettent également de sensibiliser les parents à l’importance de liens sécurisants pour leurs enfants en termes de développement et de protection contre l’adversité7.

Chez l’adulte atteint de troubles de l’attachement, une psychothérapie permet de prendre conscience des événements survenus dans les premières relations avec son donneur de soins afin de comprendre les répercussions sur ses comportements. L’identification du type d’attachement vécu pendant l’enfance fait ainsi naître la possibilité de restaurer son estime de soi et de développer des relations saines avec autrui. Il est par la suite intéressant de poursuivre la psychothérapie vers un travail sur les schémas relationnels.

Conclusion

Un attachement sécurisant permet de favoriser un développement positif de l’enfant et d’encourager son estime de soi. Il constitue un facteur de bonne santé mentale, tant pour l’enfant que pour l’adulte qu’il deviendra. Des liens insécures peuvent donner lieu à des symptômes psychiques très invalidants et persistants. Parmi ceux-ci, les troubles de l’attachement doivent faire l’objet d’un diagnostic poussé, d’une prise en charge adaptée aussi précoce que possible et de programmes de prévention dédiés.

Les contenus fournis ont un caractère purement informatif et ne doivent pas être considérés comme un substitut au diagnostic ou traitement médical par des professionnels de la santé. Il est déconseillé de faire des diagnostics ou traitements par soi-même.